2012 - Le Dialogue des Carmélites

Le  Dialogue des carmélites

Tra carmelites tractwebNous sommes  en 1789. Deux novices rentrent au Carmel de Compiègne. Leur vie de Carmélites est bien vite confrontée aux événements de la Révolution Française.  En Juillet 1790, c’est le vote de la Constitution Civile du Clergé. L’aumônier du Carmel est contraint en janvier 1791, de prêter serment de fidélité à l’Assemblée Constituante.  Ainsi que plusieurs autres prêtres, il refuse les conditions de ce serment et devient « réfractaire » c’est à dire hors la loi et doit se cacher. Déjà en octobre 1789, cette Assemblée avait interdit aux religieux de prononcer leurs vœux ; beaucoup ne l’acceptent pas et sont considérés comme suspects. « Quand les prêtres manquent,  les martyrs surabondent et l’équilibre de la grâce se trouve ainsi rétabli ».

Racontant  leur histoire, Georges Bernanos écrit « Le Dialogue des Carmélites » que le Père dominicain Bruckberger lui a commandé. S’inspirant d’une nouvelle de Gertrud Von Le Fort, « la Dernière à l’échafaud », il invente le personnage de Blanche de la Force afin de faire vivre dans la pièce deux traits de caractère de sainte Thérèse de l’Enfant Jésus : la simplicité de l’enfance avec sœur Constance et l’imitation du Christ dans son Agonie avec sœur Blanche.

Cette pièce nous parle de liberté,  liberté comprise comme  une condition nécessaire dans la vie spirituelle, car c’est librement que ces carmélites de Compiègne vont accepter le martyre.  En effet, à partir de 1792, lorsque les religieuses sont expulsées de leur  Carmel, elles vont s’offrir quotidiennement en holocauste pour que la paix règne entre l’Eglise et l’Etat. 10 jours après leur mort, c’est Robespierre qui tombe sur l’échafaud, mettant fin à plusieurs mois de Terreur.  Bernanos a choisi de sublimer cette offrande en holocauste en leur  faisant prononcer le vœu du Martyr, le vœu religieux étant une promesse faite à Dieu de façon irrévocable. « Moi, Blanche de l’Agonie du Christ, je fais le vœu du martyre. Je promets solennellement à Dieu d’imiter son Fils dans sa sainte Passion, sans me défendre ou fuir, offrant volontiers mon sang s’il le faut pour l’honneur du Carmel, l’exaltation de l’Eglise, et le salut du monde. »

Blanche incarne le personnage dont la liberté est entravée par une peur maladive qui l’anéantit dans tout  ce qu’elle veut entreprendre.« En un sens, voyez-vous, la peur est tout de même la fille de Dieu, rachetée la nuit du Vendredi-Saint. Elle n’est pas belle à voir – non !- tantôt raillée, tantôt maudite, renoncée par tous… Et cependant, ne vous y trompez pas : elle est au chevet de chaque agonie, elle intercède pour l’homme. »  Les difficultés du  caractère de Blanche vont s’accentuer avec la pression qu’exerce sur elle Mère Marie de l’Incarnation (qui incarne la « sainteté à la force des poignets) dans l’espoir que « l’honneur parle plus haut que la crainte ». Ce n’est qu’une fois seule, et touchée par la grâce, que Blanche  peut  offrir sa peur dans l’union au Christ qui l’a assumée au Jardin des oliviers, c’est libre qu’elle monte à l’échafaud, offerte en victime d’holocauste à l’Amour miséricordieux. On sait que sainte Thérèse fonda sa « petite voie » sur le martyre dans les plus petites choses, sans aucun durcissement face à ses faiblesses qui au contraire lui permettent l’audace de s’offrir totalement.  A son personnage s’oppose Mère Marie de l’Incarnation qui, elle, méprise la peur.  Elle valorise l’honneur humain ce qui l’empêche de discerner la volonté de Dieu. Dieu va lui demander ce qu’Il pouvait lui demander de plus dure : ne pas monter à l’échafaud et lui sacrifier son honneur humain en restant sur terre pour continuer l’œuvre du Carmel. C’est ainsi que la « petite voie » va pouvoir s’ouvrir à elle : le véritable martyre d’amour conduit en effet à la mort de la volonté propre. Quant à la prieure, Mère Thérèse de Saint Augustin,  elle essaye  de montrer à Mère Marie de l’Incarnation quelle est la volonté de Dieu, et malgré leur divergence de vue, elle lui confie le Carmel et lui accorde « toute sa confiance et son autorité ».

A la veille de sa propre mort, Bernanos veut nous expliquer au travers de cette pièce ce qu’est le combat spirituel selon sainte Thérèse  Il le met en scène avec ses instants de paix, de prière, d’exaltation, mais aussi,  de doutes, de peurs et même de révolution. Ne nous étonnons donc pas d’entendre alors chanter des airs révolutionnaires  et « de sentir l’étau révolutionnaire se resserrer un peu plus chaque jour »! Nous rentrons-nous-mêmes dans les églises avec nos pensées révolutionnaires, avec notre orgueil qui tente de voler sans cesse la gloire de Dieu. Dieu est là, en nous, qui mène le combat. Sainte Thérèse, grande amie de sainte Jeanne d’Arc, se présentait elle-même comme une enfant missionnaire et guerrière : c’est le saint abandon qui gagne les victoires !

Enfin, un autre thème, parmi tant d’autres dans cette pièce, qui révèle la spiritualité Thérésienne : la communion des saints : « On ne meurt pas chacun pour soi, mais les uns pour les autres, ou même les uns à la place des autres. »

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